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975. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre II. Vérification de la loi par l’examen de la littérature française » pp. 34-154

Distraction facile, émotion violente et passagère, grossissement des vices et des vertus, extériorisation de la conscience, curiosité des conflits, des péripéties, des perversités, et toujours par le contact avec la foule, par la lumière, la forme plastique, la musique, voilà de quoi est fait le goût du spectacle qui, à son degré aigu, se retrouve à toutes les époques de crise morale. […] « De l’éloquence en vers… ; Ronsard n’avait à aucun degré le sens épique ; son génie est tout lyrique » (Lanson). […] De d’Urfé à Mme de La Fayette, soit qu’on passe par Camus, Gombauld, Maréchal, Gomberville, La Calprenède, Mlle de Scudéry, et tant d’autres (roman sérieux, idéaliste), ou par Sorel, Tristan, Scarron, Furetière, et encore tant d’autres (roman réaliste), c’est une évolution où l’héroïsme, la sentimentalité, la psychologie, l’histoire, les mœurs du temps, la satire, se combinent à des degrés divers, en des formes variées, pour aboutir à La Princesse de Clèves. […] Or, rire était bien dans son tempérament ; il a au plus haut degré ce don du comique, où la réalité et la fantaisie, le déjà vu et l’imprévu vous soulèvent dans une saine gaîté, dans une allégresse absolue de l’esprit ; mais il a autre chose encore : il a la compréhension des douleurs humaines, la vision très nette de nos conflits avec la société, avec nous-mêmes, de nos pauvres illusions, de la jeunesse qui fuit, de la raison qui s’écroule aux pieds de l’amour… ; et Molière, le grand comique, aurait écrit les drames les plus poignants, si son époque avait aimé le drame et s’il n’eût pas dû être un amuseur… Il a frôlé le drame dans Tartufe, dans Le Misanthrope, dans Le Bourgeois gentilhomme, dans Le Malade imaginaire, ailleurs encore ; ce drame, il l’a vu, mais n’a voulu montrer que la comédie.

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