Aussi les disciples qui, soit par tempérament, soit par paresse, soit par docilité, se conforment sur ce point aux idées de leurs maîtres, sortent pour l’ordinaire du collège avec un degré d’imbécillité et d’ignorance de plus. […] L’émotion communiquée par l’orateur, bien loin d’être dans l’auditeur une marque certaine de son impuissance à produire des choses semblables à ce qu’il admire, est au contraire d’autant plus réelle et d’autant plus vive, que l’auditeur a plus de génie et de talent : pénétré au même degré que l’orateur, il aurait dit les mêmes choses, tant il est vrai que c’est dans le degré seul du sentiment que l’éloquence consiste. […] Disertus, chez les Latins, signifiait toujours, ou presque toujours, ce que nous entendons par éloquent, c’est-à-dire, celui qui possède dans un souverain degré le talent de la parole, et qui par ce talent sait frapper, émouvoir, attendrir, intéresser, persuader. […] Les anciens qui, selon les apparences, ne connaissaient point la musique à plusieurs parties, du moins au même degré que nous, appelaient harmonia ce que nous appelons mélodie. […] Ces réflexions, séparées des faits ou entremêlées avec eux, auront pour objet le caractère d’esprit de l’auteur, l’espèce et le degré de ses talents, de ses lumières et de ses connaissances, le contraste ou l’accord de ses écrits et de ses mœurs, de son cœur et de son esprit, et surtout le caractère de ses ouvrages, leur degré de mérite, ce qu’ils renferment de neuf ou de singulier, le point de perfection ou l’académicien avait trouvé la matière qu’il a traitée, et le point de perfection où il l’a laissée ; en un mot, l’analyse raisonnée des écrits ; car c’est aux ouvrages qu’il faut principalement s’attacher dans un éloge académique : se borner à peindre la personne, même avec les couleurs les plus avantageuses, ce serait faire une satire indirecte de l’auteur et de sa compagnie ; ce serait supposer que l’académicien était sans talents, et qu’il n’a été reçu qu’à titre d’honnête homme, titre très estimable pour la société, mais insuffisant pour une compagnie littéraire.