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404. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — II. (Fin.) » pp. 98-121

Ici toutefois un autre désir se mêle à la curiosité, et la réflexion y a sa part ; il se sent à l’aise avec l’écuyer Crystède, et il le presse plus peut-être qu’il ne ferait un autre : Je veux, lui dit-il, vous demander une chose qui ne laisse pas de me faire grandement émerveiller, et que j’aimerois à apprendre de vous si vous la savez ; et vous en devriez savoir quelque chose : c’est la manière dont ces quatre rois d’Irlande sont venus sitôt en l’obéissance du roi d’Angleterre, tandis que le roi son aïeul, qui fut si vaillant homme, si craint et partout si renommé, ne les put soumettre et les a toujours eus pour ennemis. […] Le dimanche matin, le roi de France, qui avait grand désir de combattre, fit chanter la messe solennellement dans son pavillon et y communia avec ses quatre fils. […] Or, qu’on sache, je vous prie, s’il pourrait supporter d’être amené ici ; et, s’il ne le peut, je l’irai voir. » Messire Jacques d’Audelée apprenant ce désir du prince, appelle huit de ses varlets et se fait porter par eux en sa présence : « Messire James, lui dit le prince, je vous dois bien honorer, car, par votre vaillance et prouesse, avez-vous aujourd’hui acquis la grâce et renommée de nous tous, et y êtes tenu par science certaine pour le plus preux. » Messire Jacques s’incline en disant qu’il ne pouvait faire moins sans honte, n’ayant fait qu’accomplir un vœu ; mais le prince insiste sur la louange : « Messire James, moi et tous les autres, nous vous tenons pour le meilleur de notre côté. » Et il le retient désormais pour son chevalier, lui octroyant cinq cents marcs de revenu par an.

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