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426. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Introduction. » pp. -

Si maintenant la conception générale à laquelle la représentation aboutit est poétique, mais non ménagée, si l’homme y atteint, non par une gradation continue, mais par une intuition brusque, si l’opération originelle n’est pas le développement régulier, mais l’explosion violente, alors, comme chez les races sémitiques, la métaphysique manque, la religion ne conçoit que le Dieu roi, dévorateur et solitaire, la science ne peut se former, l’esprit se trouve trop roide et trop entier pour reproduire l’ordonnance délicate de la nature, la poésie ne sait enfanter qu’une suite d’exclamations véhémentes et grandioses, la langue ne peut exprimer l’enchevêtrement du raisonnement et de l’éloquence, l’homme se réduit à l’enthousiasme lyrique, à la passion irréfrénable, à l’action fanatique et bornée. […] Si le sentiment d’obéissance a pour racine l’instinct de la discipline, la sociabilité et l’honneur, vous trouverez comme en France la parfaite organisation militaire, la belle hiérarchie administrative, le manque d’esprit public avec les saccades du patriotisme, la prompte docilité du sujet avec les impatiences du révolutionnaire, les courbettes du courtisan avec les résistances du galant homme, l’agrément délicat de la conversation et du monde avec les tracasseries du foyer et de la famille, l’égalité des époux et l’imperfection du mariage sous la contrainte nécessaire de la loi. […] Rien de plus délicat et rien de plus difficile ; Montesquieu l’a entrepris, mais de son temps l’histoire était trop nouvelle, pour qu’il pût réussir ; on ne soupçonnait même point encore la voie qu’il fallait prendre, et c’est à peine si aujourd’hui nous commençons à l’entrevoir. […] Elle ressemble à ces appareils admirables, d’une sensibilité extraordinaire, au moyen desquels les physiciens démêlent et mesurent les changements les plus intimes et les plus délicats d’un corps.

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