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230. (1757) Réflexions sur le goût

Ce n’est pas seulement à quelque défaut de sensibilité dans l’âme ou dans l’organe, qu’on doit attribuer les faux jugements en matière de goût. […] Faute de suivre cette méthode, l’imagination échauffée par quelques beautés du premier ordre dans un ouvrage, monstrueux d’ailleurs, fermera bientôt les yeux sur les endroits faibles, transformera les défauts même en beautés, et nous conduira par degrés à cet enthousiasme froid et stupide qui ne sent rien à force d’admirer tout ; espèce de paralysie de l’esprit, qui nous rend indignes et incapables de goûter les beautés réelles. […] Les deux causes d’erreur dont nous avons parlé jusqu’ici, le défaut de sensibilité d’une part, et de l’autre trop peu d’attention à démêler les principes de notre plaisir, sont la source éternelle de la dispute tant de fois renouvelée sur le mérite des anciens.

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