Il y a ici des exquisités, des délicatesses, des raffinements, et même, diront les Exsangues du bon goût, des défauts qui doivent plus embarrasser un traducteur que les choses de la force et de la grandeur habituelles à Shakespeare. […] Voilà du moins ce que François Hugo a bien vu… Le sentiment de la famille, qu’il a, lui aussi, jusqu’au courage et quelquefois littérairement jusqu’au défaut, de cette fois, lui a porté bonheur. […] Son bâtard Edmond, qui a tous les dons de la nature, qui a même l’amour de son père et de son frère le légitime ; Edmond, qui est beau, spirituel, vaillant, aimé au premier regard de ces deux tigresses, Goneril et Régane ; Edmond, qui a toutes les fortunes, qui commande l’armée, donne des batailles et les gagne, est un Iago bien plus diabolique que le Iago de Venise, le petit enseigne qui se mord d’envie le poing dans un coin… Il n’a qu’un défaut : la bâtardise, mais cela suffit pour lui fausser l’âme, et c’est à la lueur sinistre de l’âme de ce bâtard auquel son père, aveuglé comme Lear, a sacrifié son fils légitime, pur et noble comme sa naissance, que nous voyons se dérouler cette tragédie aveuglée de la Paternité, plus effroyable que celle d’Œdipe, le grand aveugle grec, et où le Roi Lear a pour pendant dans le malheur mérité de sa vie, et pour vis-à-vis, Glocester !