Il n’a rien découvert, mais il a tout enflammé ; et le sentiment de l’égalité, qui produit bien plus d’orages que l’amour de la liberté, et qui fait naître des questions d’un tout autre ordre et des événements d’une plus terrible nature, le sentiment de l’égalité, dans sa grandeur comme dans sa petitesse, se peint à chaque ligne des écrits de Rousseau, et s’empare de l’homme tout entier par les vertus comme par les vices de sa nature. […] Il trouvera des idées, des expressions que l’ambition du bien peut seule faire découvrir ; il sentira son génie battre dans son sein, il pourra s’écrier un jour avec transport, en relisant ce qu’il aura écrit, ce qu’il aura dit dans un tel moment, comme Voltaire en entendant déclamer ses vers : « Non, ce n’est pas moi qui ai fait cela. » Ce n’est pas, en effet, l’homme isolé, l’homme armé seulement de ses facultés individuelles, qui atteint de son propre essor à ces pensées d’éloquence dont l’irrésistible autorité dispose de tout notre être moral : c’est l’homme alors qu’il peut sauver l’innocence, c’est l’homme alors qu’il peut renverser le despotisme, c’est l’homme enfin lorsqu’il se consacre au bonheur de l’humanité : il se croit, il éprouve une inspiration surnaturelle.