Celui qui écrit ces lignes, — et qu’on lui pardonne d’expliquer ici sa pensée, laquelle a été d’ailleurs si bien comprise qu’il est presque réduit à redire aujourd’hui ce que d’autres ont déjà dit avant lui et beaucoup mieux que lui ; — celui qui écrit ces lignes avait depuis longtemps entrevu ce qu’il y a de neuf, d’extraordinaire et de profondément intéressant pour nous, peuples nés du moyen-âge, dans cette guerre des titans modernes, moins fantastique, mais aussi grandiose peut-être que la guerre des titans antiques. […] Après avoir, comme il vient de l’indiquer et sans dissimuler d’ailleurs son infériorité, ébauché ce poëme dans sa pensée, l’auteur se demanda quelle forme il lui donnerait. […] Seulement, en l’employant, l’auteur voulait réveiller un grand souvenir, glorifier autant qu’il en était en lui, par ce tacite hommage, le vieux poëte de l’Orestie qui, méconnu de ses contemporains, disait avec une tristesse fière : Je consacre mes œuvres au temps ; et aussi peut-être indiquer au public, par ce rapprochement bien redoutable d’ailleurs, que ce que le grand Eschyle avait fait pour les titans, il osait, lui, poète malheureusement trop au-dessous de cette magnifique tâche, essayer de le faire pour les burgraves. […] Les Burgraves ne sont point, comme l’ont cru quelques esprits, excellents d’ailleurs, un ouvrage de pure fantaisie, le produit d’un élan capricieux de l’imagination. […] D’ailleurs, la France, qui prête à la civilisation même sa langue universelle et son initiative souveraine ; la France, lors même que nous nous unissons à l’Europe dans une sorte de grande nationalité, n’en est pas moins notre première patrie, comme Athènes était la première patrie d’Eschyle et de Sophocle.