Les Ausone, les Fortunat, les Aper scandent des vers et des périodes bien latines ; au-dessous d’eux le pauvre colon gaulois murmure tout bas une prière aux dieux de ses bois et de ses fontaines, on ne l’aperçoit que par hasard dans un barbarisme dont s’amuse un auteur curieux. […] Les livres qu’on produit là ne pénètrent point dans le peuple ; ils sont faits pour des curieux et des gourmets, non pour des âmes simples. […] Il est curieux, chercheur, amateur de conversations sérieuses. […] Ils s’y développent, ils y agissent par leurs propres forces et d’eux-mêmes ; ils n’y sont point contraints par les passions ou les facultés qu’ils y rencontrent : ce sont des hôtes libres ; tout le soin du poëte est de ne point les gêner ; ils se remuent et il les regarde, ils parlent et il les écoute ; il est comme un étranger attentif et curieux devant le monde vivant qui s’est établi chez lui ; il n’y intervient qu’en lui fournissant les matériaux dont il a besoin pour s’achever et en écartant les obstacles qui l’empêcheraient de se former. […] Il se jette dans les jambes, reçoit des coups de pied, heurte, flaire, lève la patte, curieux, hasardeux, bruyant, gourmand, fort en gueule, aussi varié dans ses accents, aussi prompt à donner de la voix qu’un avocat au parlement.