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2000. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Millevoye »

Sans croire faire injure au tendre poëte, nous sommes déjà ici de la postérité dans nos indifférences, dans nos préférences. […] On m’apprenait dernièrement que cette Chute des Feuilles, traduite par un poëte russe, avait été de là retraduite en anglais par le docteur Bowring, et de nouveau citée en français, comme preuve, je crois, du génie rêveur et mélancolique des poëtes du Nord. […] On doit croire qu’en avançant dans la jeunesse, et plus près du moment où sa santé allait s’altérer, sa mélancolie augmenta, et par conséquent son penchant à l’élégie. […] Il y a loin de là à la Neige, qui est le même sujet traité par M. de Vigny dans un tout autre style, dans un goût rare et, je crois, plus durable, mais qui a aussi sa teinte particulière de 1824, c’est-à-dire le précieux. […] Il y a une piquante épigramme de Martial où ce qu’il dit de ses Épigrammes mêmes peut s’appliquer aux élégies, à toute cette poésie vivante et vraie : « Tu crois, dit-il à un de ces estimables conseillers, que mes épigrammes n’ont rien de sérieux ; mais c’est le contraire ; celui-là véritablement n’est pas sérieux qui nous vient chanter pour la centième fois avec emphase le festin de Térée ou de Thyeste… C’est pourtant là ce qu’on loue, ce qu’on estime, me diras-tu, ce qu’on honore sur parole. — Oui, on le loue, mais moi, on me lit. » Nescis, crede mihi, quid sint epigrammata, Flacce, etc.

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