Chapitre III : Le problème religieux Le problème religieux est de nos jours obscur et difficile pour tout le monde ; mais il l’est particulièrement pour ceux d’entre nous qui croient d’une part que le fond de toutes les religions est vrai, humain, nécessaire à l’humanité, et que les formes en sont toutes plus ou moins arbitraires, fragiles, destinées à périr. […] Le problème est donc beaucoup moins redoutable qu’on ne pourrait le croire au premier abord. […] Les penseurs qui séparent la religion et la philosophie comme deux domaines absolument distincts, qui considèrent la philosophie comme le fait d’un petit nombre d’hommes, et la religion comme le fait de la foule, ne réfléchissent pas qu’il ne faut pas beaucoup de philosophie pour cesser de croire, que les hommes les moins éclairés sont tout aussi bien susceptibles d’être incrédules que les plus savants. […] Pour nous, qui repoussons de toutes nos forces cette conclusion, nous ne pouvons nous empêcher de croire qu’il viendra un jour où la vraie religion brisera le moule étroit où de part et d’autre on prétend l’enfermer, et qu’elle aura, elle aussi, ses temples, ses conciles et ses fidèles.