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1436. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Francis Wey »

De ce genre de roman-colosse, sous lequel ont péri des intelligences d’une force réelle, mais qui n’étaient pas aussi herculéennes qu’elles le croyaient, cariatides brisées par un entablement trop lourd pour elles, vous savez ce qui nous est resté… Deux à trois innocents cordiers littéraires qui, rien sur la tête et rien dedans, et le dos tourné au bon sens, à l’art et à la vraisemblance, allongent, allongent leur éternelle corde sans bout, pour des raisons qui ne sont nullement de la littérature. […] II Je dis : son nouveau roman, car Francis Wey ne débute pas dans le roman, comme on pourrait le croire si l’on s’en fiait uniquement à la réputation qu’il s’est faite, grâce aux multiples tendances et aux multiples facultés de son esprit. […] Francis Wey a écrit des livres renseignés et d’une érudition mordante, comme les Remarques sur la langue française, le style et la conviction littéraire ; ou l’Histoire des révolutions du langage en France ; mais ces études, qui l’ont posé comme homme de lettres devant le public d’une manière si carrée et si imposante, ont versé l’ombre de leur gravité sur un genre de littérature abordé par lui une ou deux fois, et que les pédants croient plus léger parce qu’il ne pèse plus le poids des livres, mais le poids du cœur qu’ils n’ont pas. […] Ce roman effraie et rassure tout à la fois… Vous croyez que son héros, par manque de caractère, va glisser dans la niaiserie de ce temps, la niaiserie immense : eh bien, non ! […] Pour que, de toutes les dissonances il résulte une plus étonnante harmonie, il y a dans ce livre des teintes plus tendres que des nuances, des rêveries d’esprit qui ressemblent à des rêves, des amours d’enfants de douze ans veloutés des premières fleurs que la vie emporte sur ses ailes, et tout cela (ces impondérables) est exprimé, qui le croirait ?

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