L’homme s’y peint, avec son caractère original, et comme peu d’écrivains ont été plus sincères que celui-là, on se prépare, en le regardant vivre, à mieux comprendre sa poésie et sa critique. […] Précieux à l’occasion, s’entendant à aiguiser la pointe précieuse comme à enfler la fade hyperbole, il se vantait surtout d’avoir « l’humeur critique » et d’avoir, dès ses plus jeunes ans, « appris l’art de railler les gens ». […] À défaut de protecteurs, notre poète de vingt-trois ans trouva vite des alliés, et à défaut de frère, des amis : Furetière d’abord, esprit mordant et sensé, puis Racine, attiré vers l’homme par la pénétrante justesse de quelques observations critiques qu’on lui rapporta ; puis La Fontaine et Molière, enfin Chapelle, un homme d’esprit à qui son extrême paresse donnait le goût du naturel. […] Outre qu’il était difficile de voir et d’écrire la vérité sur Louis XIV de son vivant, on n’avait pas en France au xviie siècle une idée fort juste des qualités et des devoirs de l’historien : quelques bénédictins savaient seuls alors ce qu’il faut de science, de critique et de détachement pour en bien faire le métier. […] Ils se consultent souvent sur leurs productions, défiants d’eux-mêmes, et difficiles à contenter ; car ils ont une idée très haute de la perfection, et ne se lassent point qu’ils ne sentent impossible de s’en approcher davantage : ils donnent et reçoivent des avis et des critiques avec une absolue candeur, et jamais l’amour-propre n’a été plus absent du commerce de deux poètes.