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767. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXVI. La sœur Emmerich »

Seulement, parce qu’il a fait son métier de prêtre, désintéressé de gloire humaine, et profond d’intention religieuse, est-ce une raison pour que nous, les critiques mondains, nous soyons dispensés de faire le nôtre, en ne portant pas la lumière sur ce qui est beau de la beauté humaine… et littéraire, la plus nette, la plus pathétique, la plus impérieusement incontestable, et cela indépendamment du sujet sur lequel s’est produite cette beauté inouïe et de l’explication surnaturelle qu’il faut en donner ? Parce que nous n’avons pas mission de dire avec ascendant le grand mot religieux qui convient sur les mérites extraordinaires de la sœur Emmerich, est-ce une raison pour ne pas risquer notre humble mot de critique littéraire sur ce quelque chose qui, en fin de compte, s’est résolu en elle par ce qu’on est bien obligé d’appeler du talent, et du talent jusqu’au génie… ? Et parce que la cause de ce résultat est surnaturelle, faut-il renoncer à caractériser, comme nous le ferions dans un poëte inconnu s’il venait à naître, le genre de beauté qu’elle a laissé derrière elle à la Critique et à la Littérature, ces deux jouisseuses, dont l’adorable âme en Dieu qu’elle était, cette sœur Emmerich ne se doutait pas ! […] Et voilà pourtant ce qu’a fait la sœur Emmerich, et avec une telle certitude, une telle sûreté d’elle-même, qu’elle a réussi de manière à ce que les théologiens l’absolvent, tout au moins, quand ils ne la glorifient pas, et que nous, critiques littéraires, nous admirons au nom de la beauté, telle que l’art la conçoit, l’intuition, quelle qu’elle fût, qui fut en elle et qui nous a donné ces trois livres, comme on n’en avait pas vu encore dans la littérature sacrée, — ces trois livres d’histoire qui, en définitive, sont trois poëmes ; car l’histoire se puise à des sources, et ici il n’y a pas d’autre source qu’une âme en extase, — ces trois livres enfin dont on peut dire : « théologiquement, il n’est pas de rigueur d’y croire », mais dont on n’oserait dire cependant : « théologiquement, ils sont faux ! 

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