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541. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 22, que le public juge bien des poëmes et des tableaux en general. Du sentiment que nous avons pour connoître le mérite de ces ouvrages » pp. 323-340

Par la même raison l’ouvrage qui ne touche point et qui n’attache pas ne vaut rien, et si la critique n’y trouve point à reprendre des fautes contre les regles, c’est qu’un ouvrage peut être mauvais sans qu’il y ait des fautes contre les regles, comme un ouvrage plein de fautes contre les regles peut être un ouvrage excellent. Or le sentiment enseigne bien mieux si l’ouvrage touche et s’il fait sur nous l’impression que doit faire un ouvrage, que toutes les dissertations composées par les critiques pour en expliquer le mérite et pour en calculer les perfections et les défauts. […] Monsieur Despreaux se fonde sur cette raison pour avancer que la plûpart des critiques de profession qui suppléent par la connoissance des regles à la finesse du sentiment qui leur manque bien souvent, ne jugent pas aussi sainement du mérite des ouvrages excellens, que les esprits du premier ordre en jugent sans avoir étudié les regles autant que les premiers. […] Mais c’est ce qu’on reconnoît mieux en jugeant par l’impression que fait l’ouvrage qu’en jugeant de cet ouvrage sur les dissertations des critiques, qui conviennent rarement touchant l’importance de chaque regle.

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