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285. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIIe entretien » pp. 223-287

Le préjugé français des hommes spéciaux, c’est-à-dire des hommes qui ne savent faire qu’une seule chose, ce préjugé, la plus grande bêtise nationale de ce temps-ci, ce préjugé inventé par la médiocrité pour s’en faire un rempart contre la concurrence du talent multiple, ce préjugé, émané de l’École polytechnique, qui produit d’excellents outils et peu d’hommes complets, ce préjugé, dis-je, qui m’était déjà connu, qui règne encore à l’heure où j’écris, et qui sera un jour relégué parmi les mémorables inepties de notre siècle, ce préjugé, je le répète, me faisait craindre qu’un peu de célébrité poétique, répandu mal à propos sur mon jeune nom, ne me fît rejeter comme un intrus de toute candidature diplomatique, carrière que je préférais mille fois à quelques battements de mains ou à quelques battements de cœur des poètes ou des femmes des salons de mon temps. […] VI Donc je craignais l’apparition de mon petit livre, quoique anonyme, de peur d’être écrasé dans l’œuf par une chute, et encore plus par un succès. […] Quelques chèvres en paix, sans craindre notre approche, Rongeaient dans les ravins les broussailles du bord. […] Je l’interrogeai avec le respect presque tremblant d’un homme qui ne craint aucun homme, mais qui tremble devant tous les anges.

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