/ 2038
1871. (1856) Réalisme, numéros 1-2 pp. 1-32

Vous les haïssez, vous les craignez ou vous en avez besoin ; leurs idées, leurs actions touchent aux vôtres et s’y mêlent. […] Polichinelle, ce jouisseur effréné, cet ivrogne qui ne craint ni Dieu ni diable, est un type effroyablement vrai ; on le rencontre partout avec les mêmes passions, la même figure, le même scepticisme brutal et irraisonné, mais on ne le rencontre que rapetissé, comprimé ; l’éducation, les lois, le reste de la société luttent contre ses instincts et ont le plus souvent l’avantage. […] Et je crois que s’ils étaient tous moins tourmentés de ces désirs d’être éloquents, lyriques, de s’habiller en rois de théâtre et de rendre leurs gestes sculpturals ; je crois que s’ils étaient, en écrivant leurs livres, comme à l’heure où l’on est seul avec soi-même, après qu’une maîtresse est partie, qu’un ami est mort, qu’on a reçu un affront, qu’un enfant vous a souri, ou qu’on craint un malheur ; s’ils pouvaient ressentir assez profondément en ces moments-là, pour s’en ressouvenir, ils réveilleraient les mêmes sentiments simples chez les autres, qui les ont éprouvés sans songer à poser devant eux-mêmes.

/ 2038