Oui, elle crée du nouveau en dehors d’elle, puisqu’elle dessine dans l’espace des mouvements imprévus, imprévisibles. Et elle crée aussi du nouveau à l’intérieur d’elle-même, puisque l’action volontaire réagit sur celui qui la veut, modifie dans une certaine mesure le caractère de la personne dont elle émane, et accomplit, par une espèce de miracle, cette création de soi par soi qui a tout l’air d’être l’objet même de la vie humaine. […] Cette phosphorescence, s’éclairant pour ainsi dire elle-même, crée de singulières illusions d’optique intérieure ; c’est ainsi que la conscience s’imagine modifier, diriger, produire les mouvements dont elle n’est que le résultat ; en cela consiste la croyance à une volonté libre. […] Il est d’ailleurs bien possible que, si la volonté est capable de créer de l’énergie, la quantité d’énergie créée soit trop faible pour affecter sensiblement nos instruments de mesure : l’effet pourra néanmoins en être énorme, comme celui de l’étincelle qui fait sauter une poudrière. […] L’âme humaine devenait ainsi incapable de créer ; il fallait, si elle existait, que ses états successifs se bornassent à traduire en langage de pensée et de sentiment les mêmes choses que son corps exprimait en étendue et en mouvement.