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1708. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre V. La Renaissance chrétienne. » pp. 282-410

À présent, quand on parle de justice, ce n’est plus une phrase morte qu’on récite, c’est une conception vivante qu’on produit ; l’homme aperçoit l’objet qu’elle représente, et ressent l’ébranlement qui la soulève ; il ne la reçoit plus, il la fait ; elle est son œuvre et sa maîtresse ; il la crée et la subit. « Ces mots justus et justitia Dei, dit Luther, étaient un tonnerre dans ma conscience. […] Relève ceux qui sont pénitents, selon tes promesses déclarées au genre humain par le Christ, Jésus, Notre-Seigneur, et accorde-nous, ô miséricordieux Père, pour l’amour de lui, que nous puissions à l’avenir avoir une vie pieuse, droite et sage350… Dieu tout-puissant et éternel, qui ne hais rien de ce que tu as fait, et qui pardonnes les fautes de tous ceux qui se repentent, crée et fais en nous un cœur nouveau et contrit, afin que nous déplorions, comme il convient, nos péchés, et que, reconnaissant notre misère, nous puissions obtenir de toi pardon et rémission entière351… » Toujours revient la même idée, l’idée du péché, du repentir et de la rénovation morale ; toujours la pensée maîtresse est celle du cœur humilié devant la justice invisible et n’implorant sa grâce que pour obtenir son redressement. […] Ils se pénétraient des textes de saint Paul, des menaces tonnantes des prophètes ; ils s’appesantissaient en esprit sur les impitoyables doctrines de Calvin ; ils reconnaissaient que la masse des hommes est prédestinée à la damnation éternelle384 ; plusieurs croyaient que cette multitude est criminelle avant de naître, que Dieu a voulu, prévu, ménagé leur perte, que de toute éternité il a médité leur supplice, et qu’il ne les a créés que pour les y livrer385.

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