Grave question que chacun se posait et qui réveillait à la Cour toutes les ambitions, toutes les espérances. […] Camille Rousset s’étonne que le grand Frédéric, dans son Histoire de mon Temps, ait pu croire et dire que le maréchal de Broglie n’avait pas été disgracié à son retour pour cette inconcevable retraite, et que « la Cour ne lui avait témoigné aucun mécontentement ». Mais c’est qu’on lui en marqua très peu en effet, et que cela parut à peine une disgrâce ; on le voit bien par les lettres de Mme de Tencin au duc de Richelieu, où elle dit (1er août 1743) : « Mon frère (le cardinal de Tencin) est révolté, et je le suis aussi, de ce que le roi n’a témoigné aucun ressentiment contre le maréchal de Broglie qui, de l’aveu de tout le monde, a si mal fait son devoir. » Et moins de quinze jours après, le 13 août, Mme de Tencin dit encore : « L’abbé de Broglie a écrit à d’Argenson (le comte d’Argenson, ministre de la Guerre) que la pénitence de son frère était assez longue, qu’il fallait lui permettre de venir à la Cour, et que, si on ne le lui permettait pas, il y viendrait tout de même. […] On aura remarqué comme il parle de toutes ces intrigues et cabales, moins en roi qu’il est et qui d’un seul mot peut tout réduire à néant, que comme un homme qui se croise les bras et n’est aux premières loges que pour regarder. — La vérité, sur ce point historique, c’est que la pénitence du maréchal de Broglie ne fut que bien peu de chose ; on peut dire qu’elle ne compta pas et ne fut prise au sérieux ni à la Cour ni dans une partie du public : on vient d’entendre Mme de Tencin ; Barbier, dans son Journal, dit positivement : « On croit que la disgrâce n’est qu’une feinte. » De là l’erreur de Frédéric, très excusable.