Parmi les noms amoureux et chéris, Gabrielle d’Estrées est devenue un des plus populaires ; elle l’était peu en son temps, et, bien qu’elle fût aussi aimée, aussi bien vue en cour qu’une femme dans sa position pouvait l’être, elle n’avait pas également la voix de la bourgeoisie de Paris et du peuple. […] Elle avait pour frère le marquis de Cœuvres, depuis maréchal d’Estrées, esprit des plus fins, des plus déliés, et des plus habilement intrigants à la Cour, et qui fit souche de guerriers et de négociateurs illustres. […] C’est à cette condition seulement que le rang de Gabrielle à la Cour avait une excuse spécieuse, une couleur. […] Il lui fiait (à Gabrielle) les avis et rapports qu’on lui faisait de ses serviteurs, et, lui découvrant les blessures de son esprit, elle en apaisait incontinent la douleur, ne cessait que la cause n’en fût ôtée, l’offense adoucie et l’offensé content ; en sorte que la Cour confessait que cette grande faveur dangereuse à un sexe impérieux soutenait chacun et n’opprimait personne ; et plusieurs s’éjouissaient de la grandeur de sa fortune. […] Il s’habilla de noir, et la Cour prit le deuil à son exemple.