On y voit au vrai les dispositions de Bernardin au moment où il quitte la Russie, ses préoccupations bien moins romanesques qu’on ne l’a supposé ; les premiers symptômes de l’écrivain encore inexpérimenté et qui veut poindre ; l’utopiste et l’homme à systèmes qui se trahit çà et là ; l’amoureux, assez peu enthousiaste d’ailleurs ; l’ami reconnaissant et fidèle ; le bonhomme qui rêve en tout temps une chaumière et le bonheur de la famille ; le délicat blessé et le misanthrope qui va s’ouvrir aux aigreurs ; puis, à la fin, l’écrivain tout d’un coup célèbre, mais qui garde de ses susceptibilités, et qui porte jusque dans ses scrupules de probité et dans le paiement de ses dettes d’honneur une application et une affectation minutieuses, un coin de maladie. […] Si j’avais à choisir mon dernier gîte, ce serait volontiers sur les bords de votre lac, car il n’est pas donné à tous de finir par un coup de tonnerre. […] Un coup de mer qu’on ne put éviter brisa sur notre avant, rompit quelques barreaux du pont, enleva la petite chaloupe et emporta le maître de l’équipage avec trois matelots ; un seul fut rejeté dans les haubans et sauvé après avoir eu l’épaule et la main fracassées. […] À deux heures et demie du matin, nous entendîmes trois coups de tonnerre à 2 minutes d’intervalle. Le dernier fit l’effet d’un coup de canon de 24 tiré à portée de pistolet.