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520. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre III. Combinaison des deux éléments. »

À certains moments critiques de l’histoire, des hommes, sortant de leur petite vie étroite et routinière, ont saisi par une vue d’ensemble l’univers infini ; la face auguste de la nature éternelle s’est dévoilée tout d’un coup ; dans leur émotion sublime, il leur a semblé qu’ils apercevaient son principe ; du moins ils en ont aperçu quelques traits. […] D’une part, les hommes ont besoin d’elle pour penser l’infini et pour bien vivre ; si elle manquait tout d’un coup, il y aurait dans leur âme un grand vide douloureux et ils se feraient plus de mal les uns aux autres. […] Mais, du même coup, elle a cessé d’être critique et clairvoyante ; elle ne tolère plus les contradictions ou le doute, elle n’admet plus les restrictions ni les nuances ; elle ne sait plus ou elle apprécie mal ses preuves. […] Avec Rousseau, je vois à portée de ma main un Eden où du premier coup je retrouverai ma noblesse inséparable de mon bonheur. […] Dans un salon il se trouve gêné416 ; il ne sait pas causer, être aimable ; il n’a de jolis mots qu’après coup, sur l’escalier ; il se tait d’un air maussade ou dit des balourdises, et ne se sauve de la maladresse que par des boutades de rustre ou des sentences de cuistre.

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