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13. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — II » pp. 161-173

Joubert se distingua particulièrement à l’attaque du château de Cosseria, position des plus fortes sur le sommet le plus élevé de cette partie de l’Apennin ; il y fut blessé d’un coup de pierre, ce qui ne l’empêcha pas d’aller toujours et de poursuivre. […] Mandé la veille de la bataille de Castiglione, il arrive à temps pour y prendre sa bonne part : J’arrivai à l’heure indiquée (le 4 août à six heures du soir) : Voilà Joubert, dit un des aides de camp du général en chef, c’est un bon augure pour la journée de demain. — « Il faut encore que tu donnes un coup de collier, me dit Bonaparte, et nous nous reposerons ensuite. » Je l’ai vivement donné ce coup de collier… On sourit involontairement : on songe à cette longue série de coups de collier, depuis Montenotte, depuis Castiglione jusqu’à Moscou, jusqu’à Montmirail. […] On est au cœur de l’hiver ; l’opération peut rencontrer des difficultés très grandes, et Joubert n’est pas homme à se les dissimuler : elles sont présentées avec des alternatives de crainte, même d’accablement, puis tout à coup des reprises d’ardeur et d’espérance, dans des lettres charmantes et naïves (sauf quelques lauriers qu’il craint de voir changer en cyprès ; c’était le style du temps). […] C’est pour le coup qu’il avait de quoi se consoler, dans sa modestie, d’avoir été mis à la tête d’une division. […] Pendant que se signait cette paix achetée par tant de travaux et de victoires, l’esprit de parti, l’esprit royaliste continuait d’infester la France ; la réaction levait la tête et avait pris pied partout, jusque dans les pouvoirs publics ; et le 18 fructidor, ce coup d’État fâcheux, mais nécessaire, n’était pas encore venu rappeler à l’ordre les mauvais Français, ou ceux qui, se croyant bons, s’égaraient assez pour laisser naître et s’élever en eux des désirs de malheur.

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