Voilà comment la sensibilité se peint chez Racine non par des effusions lyriques, mais par des vibrations dramatiques ; et sa tragédie est une suite de coups de théâtre et de révolutions. […] A côté d’elle, Néron, une âme mauvaise, égoïste, vaniteuse, lâche, en qui l’amour est une fureur sensuelle, un transport de l’imagination, sans tendresse, sans estime, sans pitié : il va à son premier crime, poussé par son instinct, fouetté par la jalousie, retenu par ses peurs, peur de sa mère, peur de son gouverneur, peur des mille voix du peuple, enlevé enfin par l’aigreur de sa vanité, sans étonnement après le crime, et d’une belle impudence, mais affolé soudain d’une peur toute physique, dans la détente de ses nerfs après l’action, et déprimé de voir la femme pour qui il avait fait le coup, lui échapper. […] Enfin Athalie est, sans maximes ni dissertations, une des plus fortes pièces politiques qu’on ait jamais écrites, et à coup sur la plus hardie peinture de l’enthousiasme religieux : Athalie est une femme, fiévreuse par conséquent et inégale, alternativement irritée et facile, selon les objets qui tournent son âme passionnée ; un songe, un visage d’enfant, tout dévie ou rompt son action.