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639. (1899) Préfaces. — Les poètes contemporains. — Discours sur Victor Hugo pp. 215-309

Or, ce cauchemar sublime ponte partout l’empreinte d’une grande confusion d’idées, de sentiments et d’impressions, et toute pleine qu’elle est d’énergie, de verve et de couleur, la langue de Dante est à peine faite. […] Le regard qu’il jette sur la nature est large et profond ; son œil saisit le détail infini et l’ensemble des formes, des couleurs, des jeux d’ombre et de lumière. […] Il ne faut pas demander sans doute à ces belles inspirations les grands aspects de mouvement et de couleur qui sont la marque des génies profonds et virils par excellence, ni même la certitude constante de la langue, la solidité du vers et la précision vigoureuse de l’image. […] Le choix et l’agencement des mots, le mouvement général et le style, tout concorde à l’effet produit, laissant à la fois dans l’esprit la vision de choses effrayantes et mystérieuses, dans l’oreille exercée comme une vibration multiple et savamment combinée de métaux sonores et précieux, et dans les yeux de splendides couleurs. […] Mais Victor Hugo a développé son étrange conception avec tant de verve, d’éloquence et de couleur, qu’il faut le remercier, au nom de la Poésie, d’avoir prêté cette charité terrible à cet insensé féroce qui puisait la haine de l’humanité dans l’imbécillité d’une foi monstrueuse.

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