Né vers 1224, Joinville ne mourut que vers 1317, à l’âge de quatre-vingt-quatorze ans environ, et il écrivit ou plutôt il dicta ses mémoires dans son extrême vieillesse, à cet âge où les impressions, quand elles ne deviennent pas décidément chagrines et moroses, font volontiers un retour aimable en arrière et se teignent encore une fois des couleurs de l’enfance. […] Cette scène d’arrivée et de débarquement en vue de l’ennemi est vive chez Joinville, et pleine de couleur : Le jeudi après Pentecôte arriva le roi devant Damiette, et trouvâmes là toute l’armée du Soudan sur la rive de la mer, de très belles gens à regarder ; car le Soudan porte les armes (armoiries) d’or, sur lesquelles le soleil frappait, qui faisait les armes resplendir. […] Froissart, l’historien littéraire de la chevalerie, s’amusera un jour à décrire ce choc des combats, ce luxe des couleurs, cet éclat éblouissant des casques et des hauberts au front des batailles : chez Joinville, ce n’est pas encore un jeu ni un art, ce n’est que l’éclair naturel et rapide du souvenir, le reflet retrouvé de cette heure d’allégresse et de soleil où l’on était jeune, brillant et victorieux.