/ 1980
229. (1857) Articles justificatifs pour Charles Baudelaire, auteur des « Fleurs du mal » pp. 1-33

Il a ménagé des lieux bas et étouffés où des mouches de mille couleurs bourdonnent et imitent abominablement le mouvement de la respiration dans le ventre des bêtes mortes. […] Et cependant, de tous côtés pousse une floraison inouïe, des lianes merveilleuses et d’une force de production que l’on n’avait pas soupçonnée, des formes hideuses et superbes, des couleurs d’un éclat sinistre et auprès desquelles pâlirait toute autre couleur. […] Les artistes qui voient les lignes sous le luxe et l’efflorescence de la couleur percevront très bien qu’il y a ici une architecture secrète, un plan calculé par le poète, méditatif et volontaire. […] Un peintre étale au beau milieu d’un salon une toile ambitieuse, d’un dessin douteux et d’une couleur équivoque, on dit au public : C’est du Véronèse ; il s’y rue, et il applaudit. […] je le déclare, la présence d’une moutonnerie si persistante, le poète qui met la main sur mon cœur, dût-il l’égratigner un peu, irriter mes nerfs et me faire sauter sur mon siège, me semblera toujours préférable à cette poésie, irréprochable sans doute, mais insipide, sans parfum et sans couleur, et qui vous coule entre les mains comme de l’eau.

/ 1980