/ 2227
824. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIVe entretien. Littérature, philosophie, et politique de la Chine » pp. 221-315

Réunir en une société régulière une multitude d’êtres épars qui pullulent au hasard sur une terre sans possesseurs légitimes et reconnus ; Combiner assez équitablement tous les intérêts divergents ou contradictoires de cette multitude pour que chacun reconnaisse l’utilité de borner son intérêt propre par l’intérêt d’autrui ; Extraire de toutes ces volontés individuelles une volonté générale et commune qui gouverne cette anarchie ; Proclamer ou écrire cette volonté dominante en lois qui instituent des droits sociaux conformes aux droits naturels, c’est-à-dire aux instincts légitimes de l’homme sortant de la nature pour entrer dans la société ; Sanctifier ces lois par la plus grande masse de justice qu’il soit possible de leur faire exprimer, en sorte que la conscience, cet organe que le Créateur nous a donné pour oracle intérieur, soit forcée de ratifier même contre nos passions la justice de la loi ; Faire régner avec une autorité impartiale et inflexible cette loi sur nos iniquités individuelles, sur nos résistances, nos empiétements, nos répugnances ; lui créer un corps, des membres, une main dans un pouvoir exécuteur et visible chargé de faire aimer, respecter et craindre la loi ; Armer ce pouvoir exécuteur de toute la force nécessaire pour réprimer les atteintes individuelles ou collectives contre la loi, sans l’investir néanmoins de prérogatives assez absolues pour qu’il puisse lui-même se substituer à la loi et faire dégénérer cette volonté d’un seul contre tous en tyrannie ; Échelonner, si l’empire est grand, les corps ou les magistratures, religieuse, civile, judiciaire, administrative, de telle sorte que chaque province, chaque ville, chaque maison, chaque citoyen, trouve à sa portée la souveraineté de l’État prête à lui distribuer sa part d’ordre, de sécurité, de justice, de police, de service public, de vengeance même si un droit est violé dans sa personne ; Faire contribuer dans la proportion de son intérêt et de sa force chacun des membres de la nation aux services onéreux que la nation exige en obéissance, en impôt, en sang, si le salut de la communauté exige le sang de ses enfants ; Créer au sommet de cette hiérarchie d’autorités secondaires une autorité suprême, soit monarchique, c’est-à-dire personnifiée dans un chef héréditaire, soit aristocratique, c’est-à-dire personnifiée dans une caste gouvernementale, soit républicaine, c’est-à-dire personnifiée dans un magistrat temporaire élu et révocable par l’unanimité du peuple : voilà le chef-d’œuvre de cette création d’un gouvernement par l’homme. […] Sa physionomie révèle la plus haute intelligence, ses yeux sont comme des sources de clarté, sa bouche est comme celle des dragons qui soufflent le feu, sa taille est de six pieds sept pouces ; il a les bras longs et le dos voûté ; son corps est un peu courbé, ses paroles ne tendent qu’à inspirer la vertu. […] Les peuples libres des temps modernes la trouvent dans la volonté de la nation tout entière, délibérant sur ses droits et sur ses devoirs, étant à elle-même sa propre autorité, et en confiant l’exercice à des corps et à des magistrats, à des dictateurs révocables et responsables sous le régime des républiques ; Les peuples théocratiques, dans des pontifes souverains à qui ils attribuent une mission et comme une vice-royauté divine. […] Mais comme le ciel et les esprits des ancêtres ne sont pas visibles aux yeux du corps, il chercha dans le firmament des emblèmes pour les figurer et les représenter. » Après avoir satisfait ainsi à leurs devoirs envers le ciel, auquel, comme au principe vivifiant et universel de toute existence, ils étaient redevables de leur propre vie, ils se tournent vers ceux qui, par la génération et la paternité, leur ont transmis successivement cette vie.

/ 2227