Chez moi l’observation était déjà devenue intuitive, elle pénétrait l’âme sans négliger le corps ; ou plutôt elle saisissait si bien les détails extérieurs qu’elle allait sur-le-champ au-delà ; elle me donnait la faculté de vivre de la vie de l’individu sur laquelle elle s’exercait en me permettant de me substituer à lui, comme le derviche des Mille et une Nuits prenait le corps et l’âme des personnes sur lesquelles il prononçait certaines paroles. […] Dans ces batailles de chaque nuit, dont au matin il sortait brisé mais vainqueur, lorsque le foyer éteint refroidissait l’atmosphère de la chambre, sa tête fumait et de son corps s’exhalait un brouillard visible comme du corps des chevaux en temps d’hiver. […] La Mort, de ses maigres doigts, tâtait ce corps robuste pour savoir par où l’attaquer, et n’y trouvant aucune faiblesse, elle le tua par la pléthore et l’hypertrophie. […] Lui-même semble ne pas y avoir attaché une grande importance, et dès lors il s’était jeté à corps perdu dans la lecture, la science, l’érudition ; il avait appris l’allemand pour lire Faust, et l’anglais pour lire Hamlet. […] Chose remarquable, l’âme a sa pairie comme le corps, et souvent ces patries sont différentes.