Ne faut-il pas en effet que le peuple existe, qu’il existe en sol, en population, en société, en connaissance de ses intérêts, de ses droits, de ses devoirs, en civilisation et en volonté, avant de convenir qu’il se rassemblera en comices pour délibérer sur son existence, sur son mode de sociabilité, sur ses lois, sur sa république ou sur sa monarchie, et de donner ou de refuser son consentement à ces juges tombés du ciel ou sortis des forêts, Moïse, Lycurgue, Numa, Montesquieu ou Rousseau, sauvages chargés d’improviser la société et de faire voter le genre humain ? […] La souveraineté y flotte sans titre, sans base, sans forme, sans organe, comme un de ces nuages dans le vide auquel l’imagination ivre de métaphysique peut donner les formes et les couleurs qui lui conviennent ! […] Vérité ou sophisme, il n’y avait rien à répondre au premier aperçu à cet axiome, du moment qu’on admettait pour convenu cet autre axiome très contestable : L’homme est égal à l’homme devant le champ ; l’enfant plus avancé en âge et en force est égal à l’enfant nouveau venu, dénué d’années, de force, d’éducation, d’expérience de la vie ; l’enfant du sexe faible et subordonné par son sexe même est égal à l’enfant du sexe fort, viril et capable de défendre l’héritage de tous dans le sien ; l’enfant inintelligent est égal à l’enfant doué des facultés de l’esprit et du cœur, privilégié par ces dons de la nature ; l’enfant vicieux, ingrat, rebelle, oisif, déréglé, est égal au fils tendre, respectueux, obéissant, actif, premier sujet du père, premier serviteur de la maison, etc., etc.