Avant de reprocher à la philosophie de n’avoir pas compris le vrai et durable christianisme, l’intime et réelle doctrine catholique, il convient de se souvenir que le dépôt en était alors confié, d’une part aux jésuites intrigants et mondains, de l’autre aux jansénistes farouches et sombres ; que ceux-ci, retranchés dans les parlements, pratiquaient dès ici-bas leur fatale et lugubre doctrine sur la grâce, moyennant leurs bourreaux, leur question, leurs tortures, et qu’ils réalisaient pour les hérétiques, dans les culs de basse-fosse des cachots, l’abîme effrayant de Pascal. […] Sans doute sa théorie du drame n’a guère de valeur que comme démenti donné au convenu, au faux goût, à l’éternelle mythologie de l’époque, comme rappel à la vérité des mœurs, à la réalité des sentiments, à l’observation de la nature ; il échoua dès qu’il voulut pratiquer. […] Voltaire seul comprit ce qui était et ce qui convenait, voulut tout ce qu’il fit et fit tout ce qu’il voulut. […] « Ou plutôt ce monument existe, mais par fragments ; et, comme un esprit unique et substantiel est empreint en tous ces fragments épars, le lecteur attentif, qui lit Diderot comme il convient, avec sympathie, amour et admiration, recompose aisément ce qui est jeté dans un désordre apparent, reconstruit ce qui est inachevé, et finit par embrasser d’un coup d’œil l’œuvre du grand homme, par saisir tous les traits de cette figure forte, bienveillante et hardie, colorée par le sourire, abstraite par le front, aux vastes tempes, au cœur chaud, la plus allemande de toutes nos têtes, et dans laquelle il entre du Gœthe, du Kant et du Schiller tout ensemble. » 89.