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14. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre premier. Les signes — Chapitre II. Des idées générales et de la substitution simple » pp. 33-54

I La famille des noms, comme on sait, se divise en deux branches, celle des noms propres et celle des noms communs, et on les distingue très justement en disant que les premiers, comme César, Tuileries, Cromwell, ne conviennent qu’à un seul objet, tandis que les seconds, comme arbre, triangle, couleur, conviennent à un groupe indéfini d’objets. […] Les logiciens et les grammairiens disent très bien qu’un nom commun, comme arbre ou polygone, est un nom général ou abstrait. — Il est général parce qu’il convient à un genre ou groupe d’objets semblables, le nom d’arbre à tous les arbres, peupliers, chênes, cyprès, bouleaux, etc. ; le nom de polygone à tous les polygones, triangles, quadrilatères, pentagones, hexagones, etc. — Il est abstrait parce qu’il désigne un extrait, c’est-à-dire une portion d’individu, laquelle se retrouve dans tous les individus du groupe ; le nom d’arbre exprime la qualité commune à toutes les espèces d’arbres, peupliers, chênes, cyprès, bouleaux, etc. ; celui de polygone représente la qualité commune à toutes les sortes de polygones, triangles, quadrilatères, pentagones, hexagones, etc. — On voit la liaison de ces deux caractères du nom ; il est général parce qu’il est abstrait ; il convient à toute la classe parce que l’objet désigné, n’étant qu’un morceau, peut se retrouver dans tous les individus de la classe, lesquels, semblables à ce point de vue, restent néanmoins dissemblables à d’autres points de vue. […] À ce moment, si l’on cherche le trait dominant qui règne dans ce monde divers, on ne trouve rien ; on sent bien que tout cela est beau, mais on ne démêle pas encore de quelle beauté ; on est agité par vingt tendances naissantes et aussitôt détruites ; on essaye les mots de voluptueux, de riche, de facile, d’abondant ; ils ne conviennent pas ou ne conviennent qu’à demi.

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