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773. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre sixième. Le roman psychologique et sociologique. »

Flaubert continue le romantisme par son culte de la forme et du style poétique ; il annonce le réalisme par les études psychologiques et sociales de Madame Bovary et de l’Education sentimentale. […] Le roman expérimental se donne donc comme une conséquence de l’évolution scientifique du siècle ; il continue et complète la physiologie, qui elle-même s’appuie sur la chimie et la physique ; substitue à l’étude de « l’homme abstrait », de « l’homme métaphysique » l’étude de l’homme naturel, « soumis aux lois physico-chimiques et déterminé par les influences du milieu » ; le roman expérimental, en un mot, est la littérature de notre âge de science comme la littérature classique et romantique correspondait à un âge de scolastique et de théologie69. […] Même notre grande étude est là, dans le travail réciproque de la société sur l’individu et de l’individu sur la société. » Et c’est précisément, selon Zola, ce qui constitue le roman expérimental : posséder le mécanisme des phénomènes chez l’homme, montrer « les rouages des manifestations intellectuelles et sensuelles », telles que la physiologie nous les expliquera sous l’influence de l’hérédité et des circonstances ambiantes : enfin montrer l’homme vivant « dans le milieu social qu’il a produit lui-même, qu’il modifie tous les jours, et au sein duquel il éprouve à son tour une transformation continue ». Ainsi donc, « nous nous appuyons sur la physiologie, nous prenons l’homme isolé des mains du physiologiste, pour continuer la solution du problème et résoudre scientifiquement la question de savoir comment se comportent les hommes dès qu’ils sont en société… » — « Je voudrais, dit encore Zola dans une préface récente, coucher l’humanité sur une page blanche, toutes les choses, tous les êtres, une œuvre qui serait l’arche immense. » Quelle est la valeur de toute cette théorie du roman expérimental, physiologique et sociologique ? […] Une sorte de révolution a été commencée par Boileau, qui demandait qu’on appelât chat un chat, continuée par le romantisme de Victor Hugo, qui prescrit d’appeler un cochon par son nom, et achevée, du moins il faut l’espérer, par le naturalisme, qui a appliqué comme qualificatif à l’homme le substantif du romantisme.

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