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382. (1912) L’art de lire « Chapitre VIII. Les ennemis de la lecture »

Comment voulez-vous que Corneille puisse trouver bon Racine, qui goûte les sujets que Corneille a toujours évités et les manières de traiter les sujets que Corneille très visiblement n’aime point, et qui se donne tout entier à la peinture de l’amour, sentiment que Corneille a toujours considéré comme trop chargé de faiblesse pour pouvoir soutenir une tragédie ? […] De même que l’honnête homme est satisfait d’avoir vu clair dans le manège d’un charlatan et de n’être pas tombé dans ses pièges, de même le pococurante considère les artistes, les auteurs, les poètes et les jolies femmes comme des thaumaturges et faiseurs de prestiges qui empaument adroitement l’humanité. […] Mais si l’on a comme le choix, si, avec des penchants, comme tous les hommes, à l’orgueil, à la taquinerie, à la dispute, au désir de se distinguer, à l’horreur d’être dupe, on en a aussi à l’admiration ou simplement au plaisir de goûter les belles choses, il vaut certainement mieux incliner de ce dernier côté et, si vous êtes ainsi partagé, je vous dirai : Considérez le « plaisir de la critique » comme le plus grand ennemi et le plus dangereux de la lecture et faites-lui bonne guerre.

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