On va maintenant considérer certaines manières d’être et certaines croyances communes à l’humanité tout entière, à ce point qu’elles semblent conditionner son existence, et dont on va montrer qu’elles comportent toutes un fait flagrant de Bovarysme. […] L’homme, dévoué à la contemplation esthétique, et qui ne considère plus les choses qu’au point de vue de leur beauté, est condamné à périr par l’oubli où il tombe de ses intérêts vitaux : il se trouve bientôt exclu d’un monde où le commun des êtres, aiguillonné par le souci matériel, s’empare des choses nécessaires au détriment de qui ne fait plus effort pour les posséder ou les conserver. […] Or à considérer dans son détail le jeu de cette illusion qui réussit à se faire agréer, il apparaît que l’homme de toutes les époques se montre préoccupé à la fois d’améliorer sa vie immédiate, son bien-être terrestre et de s’assurer, par-delà cette première existence, un bonheur plus parfait et plus durable en une seconde existence qu’il imagine. […] Si chimérique que puisse apparaître à quelques esprits le deuxième de ces soucis, l’histoire est là qui contraint tout observateur consciencieux d’en tenir compte, dès qu’il est question de dresser un état de la connaissance humaine, de rechercher ses origines et de considérer ses résultats. […] À bien considérer les choses, il apparaît que le propre de l’homme est une faculté de mécontentement.