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123. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre premier. De la première époque de la littérature des Grecs » pp. 71-94

Il ne s’agit ici que de la poésie, considérée seulement comme l’imitation de la nature physique. […] On peut considérer les Grecs, relativement à la littérature, comme le premier peuple qui ait existé : les Égyptiens qui les ont précédés ont eu certainement des connaissances et des idées, mais l’uniformité de leurs règles les rendait, pour ainsi dire, immobiles sous les rapports de l’imagination ; les Égyptiens n’avaient point servi de modèles à la poésie des Grecs ; elle était en effet la première de toutes13 ; et loin qu’il faille s’étonner que la première poésie ait été peut-être la plus digne de notre admiration, c’est à cette circonstance même qu’est due sa supériorité14. […] Par exemple, la théorie d’une langue, celle du grec, suppose une foule de combinaisons abstraites fort au-dessus des connaissances métaphysiques que possédaient les écrivains, qui parlaient cependant cette langue avec tant de charme et de pureté ; mais le langage est l’instrument nécessaire pour acquérir tous les autres développements ; et, par une sorte de prodige, cet instrument existe, sans qu’à la même époque, aucun homme puisse atteindre, dans quelque autre sujet que ce soit, à la puissance d’abstraction qu’exige la composition d’une grammaire ; les auteurs grecs ne doivent point être considérés comme des penseurs aussi profonds que le ferait supposer la métaphysique de leur langue. […] L’esprit qui les conçoit est sans cesse ramené vers elles ; et il serait impossible aux modernes de faire abstraction de tout ce qu’ils savent, pour peindre les objets comme les anciens les ont considérés.

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