Voltaire, qui en avait pris connaissance dès l’année 1739, l’appelait un « ouvrage d’Aristide », et Rousseau, qui s’en autorisa plus tard dans son Contrat social, a dit : « Je n’ai pu me refuser au plaisir de citer quelquefois ce manuscrit, quoique non connu du public, pour rendre honneur à la mémoire d’un homme illustre et respectable qui avait conservé jusque dans le ministère le cœur d’un vrai citoyen, et des vues droites et saines sur le gouvernement de son pays. » M. d’Argenson n’était pas encore ministre lorsqu’il composa cet ouvrage, et il était sorti du ministère lorsqu’il le revit pour y mettre la dernière main. […] Je fréquentais les spectacles, les assemblées, les femmes ; je faisais des connaissances ; j’allais au cabaret et autres lieux quand j’étais avec des gens du monde ; je me figurais être si bien dans le monde ! […] Nous eûmes bientôt secoué le joug… Nous entrâmes donc au collège, mon frère et moi, comme des gens du monde, à bonne fortune si vous voulez, qu’on priverait de leur divinité et qu’on réduirait à un état aussi humiliant que celui de devenir écoliers… Lorsqu’à quelque solennité de collège, à laquelle assistaient les parents et les étrangers, M. d’Argenson revoyait quelques-uns de ses anciens amis ou des femmes de sa connaissance, lui assis sur un banc de bois avec sa robe et sa toque, il rougissait de cette déchéance, et les jours de sortie il faisait de son mieux pour sen relever ; il redevenait tant qu’il le pouvait homme du monde, mais il ne put jamais êtrè, comme son frère, un homme à la mode, et il n’y visait pas.