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483. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Conduite de l’action dramatique. » pp. 110-232

Conduisez votre poème avec tout l’art imaginable : si les situations en sont froides et si la vraisemblance n’est pas dans le tout, vous n’intéresserez pas. […] La curiosité une fois excitée n’aime pas à languir ; il faut lui promettre sans cesse de la satisfaire, et la conduire cependant, sans la contenter, jusqu’au terme que l’on s’est proposé ; il faut approcher le spectateur de la conclusion, et toujours la lui cacher ; il faut qu’il ne sache où il va, s’il est possible, mais qu’il voie qu’il avance. […] Il faut, ou que l’amour conduise aux malheurs et aux crimes, pour faire voir combien il est dangereux, ou que la vertu en triomphe, pour montrer qu’il n’est pas invincible : sans cela, ce n’est plus qu’un amour d’églogue ou de comédie. […] On peut voir, par cette analyse, comment doivent se conduire les combats du cœur. […] Un homme est dans la plus basse fortune, il ne parle que de tétrarques et de princes ; il est de Paris, à Paris il s’habille à la chinoise ; il a cinquante ans, et il s’amuse sérieusement à atteler des rats de papier à un petit chariot de cartes ; il est accablé de dettes, ruiné, et veut apprendre aux autres à se conduire et à s’enrichir.

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