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225. (1757) Réflexions sur le goût

Faute de suivre cette méthode, l’imagination échauffée par quelques beautés du premier ordre dans un ouvrage, monstrueux d’ailleurs, fermera bientôt les yeux sur les endroits faibles, transformera les défauts même en beautés, et nous conduira par degrés à cet enthousiasme froid et stupide qui ne sent rien à force d’admirer tout ; espèce de paralysie de l’esprit, qui nous rend indignes et incapables de goûter les beautés réelles. […] Le vrai philosophe se conduit à peu près de la même manière pour juger que pour composer : il s’abandonne d’abord au plaisir vif et rapide de l’impression ; mais persuadé que les vraies beautés gagnent toujours à l’examen, il revient bientôt sur ses pas, il remonte aux causes de son plaisir, il les démêle, il distingue ce qui lui a fait illusion d’avec ce qui l’a profondément frappé, et se met en état par cette analyse de porter un jugement sain de tout l’ouvrage.

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