/ 1968
381. (1895) La science et la religion. Réponse à quelques objections

A défaut d’une certitude entière, mathématique et raisonnée, si nous avons l’impérieux besoin de nous former une idée de ce que nous sommes, et si le lien social ne peut subsister qu’à cette condition, les sciences peuvent nous y aider, mais il ne leur appartient pas de déterminer et encore bien moins de juger cette idée. […] Nous n’en formerions pas moins, dans l’univers, en dépit de Spinoza, comme un « empire dans un empire. » Et ce nouveau déterminisme, ce déterminisme moral, étant la condition de l’humanité, n’aurait rien de commun avec celui qui « conditionne » les phénomènes des sciences physiques et naturelles. […] Cela veut dire, en effet, que l’on aura beau s’en flatter, il n’existe pas, il n’y aura jamais de moyens scientifiques de détruire l’inégalité des conditions parmi les hommes, — et après tout, faut-il souhaiter qu’il y en eût32 ? […] Lorsque l’on tombe d’accord de trois ou quatre points de cette importance, il n’y a pas même besoin de discuter les conditions, ou les termes, d’une entente ; — et elle est faite. […] On dirait aussi bien que nous n’avons de devoirs qu’envers nos semblables, et qu’à la condition qu’ils ne souffrent pas de notre manière d’agir, toute licence nous est donnée de satisfaire nos pires instincts : indulgere turpissimae corporis parti .

/ 1968