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202. (1892) Boileau « Chapitre V. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » (Fin) » pp. 121-155

quelles sont les lois, les conditions de son travail ? […] La nature est « vraie » et se fait « sentir » à tout le monde : mais c’est à condition qu’on la fasse sentir. […] Le poète tragique n’est pas soumis à d’autres conditions que le poète comique : il faut qu’il compose sa Médée ou son Horace, que l’histoire lui donne, comme celui-ci son Alceste ou son Harpagon, qui n’ont jamais existé. […] Puis Boileau, qui n’avait pas du tout l’imagination dramatique, est tombé dans la même erreur que La Bruyère, qui oppose son Onuphre à Tartufe, sans s’apercevoir que la vérité théâtrale n’est pas celle du livre, et que la scène a ses conditions et comme son optique particulières, qui obligent à faire une copie inexacte de la nature pour en donner la sensation vraie. […] De même qu’il se fait des transpositions d’art, et qu’on peut essayer de produire par des moyens musicaux des impressions pittoresques ou par les formes de la poésie les effets de la musique, on peut aussi passer d’un genre à l’autre, et mêler dans une certaine mesure l’élément lyrique dans le drame, ou l’élément comique dans la tragédie, à condition que l’on ne méconnaisse point les lois essentielles et l’objet propre de chaque genre, et qu’on ne fasse point retomber l’ouvrage dans une indétermination qui serait la négation même de l’art.

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