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221. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIe entretien. Littérature italienne. Dante. » pp. 329-408

mille fois inférieur en conception, en éloquence et en poésie, au grand exilé de Florence, j’avais conçu, dès ma jeunesse, une épopée, le grand rêve de ma vie, la seule épopée qui me paraisse aujourd’hui réalisable, sur un plan à peu près analogue au plan de la Divine Comédie. […] XIV En un instant mon poème épique fut conçu. […] On comprend quelle richesse, et quelle variété, et quel pathétique, et quel mystère un pareil texte d’épopée fournissait au poète, s’il y avait eu un poète, ou si j’avais été moi-même ce poète digne de concevoir et de rendre en chants une pareille inspiration. […] Les personnages passent comme des fantômes sous le fouet des démons et sous l’œil du poète ; l’intérêt, sans cesse morcelé et interrompu, passe avec eux et ne laisse qu’un éblouissement dans l’imagination ; tandis que, dans l’épopée telle que je la concevais, l’intérêt attaché aux mêmes âmes dans des péripéties diverses ne se rompait qu’à leur réunion définitive et à leur béatitude éternelle. […] Le poète qui allait venir avait donc sa place marquée dans le temps. » « Être conçu dans l’exil et y mourir », ajoute Ozanam, « remplir de hautes magistratures et subir les dernières infortunes, ce destin a été celui de beaucoup d’autres ; mais d’autres circonstances avaient ménagé à Dante une autre vie que la vie publique, une vie de cœur dont il faut, pour le comprendre, pénétrer les mystères.

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