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718. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier »

» — « Je désire m’occuper de Mme de Staël, répondis-je alors, parce qu’il me semble que je la sens et la comprends autant que personne ; et bien que sorti de terre à un tout autre endroit et d’une tout autre génération qu’elle, un sentiment d’admiration me dit, ainsi qu’à ceux de mon âge, qu’elle nous appartient à tous. » Depuis des années, j’éprouve un regret fréquent à son sujet. […] Elle veut tout éclaircir, tout comprendre, tout mesurer ; elle ne vous concède rien d’obscur, d’inaccessible, et tout ce qu’elle ne peut pas éclairer de son flambeau n’existe point pour elle ; aussi a-t-elle une peur affreuse de la philosophie idéaliste, qui, à son sens, mène au mysticisme et à la superstition, et c’est là l’atmosphère où elle s’anéantit. […] Il répudiait la sécheresse des formes protestantes ; il paraissait croire à une réunion future, et à l’amiable, de toutes les communions chrétiennes ; en un mot, comme tous les vrais critiques que travaille une grande activité d’esprit et d’imagination, il était en train, sans s’en douter, de passer en réalité par la disposition et l’état moral qui lui avait manqué jusqu’alors, afin d’être ensuite tout à fait en mesure de s’en rendre compte et de le comprendre. […] Et le 7 septembre 1811 il écrivait encore, et de Coppet même : « Il n’arrive jamais à Mme de Staël de se mettre à la place des autres, et tout son esprit ne lui suffit pas pour comprendre ce qui n’est pas elle ; et puis, si l’on voulait bien entendre les riches, il n’y aurait de malheur que pour eux.

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