Là aussi, « dans cet ordre littéraire comme dans l’ordre religieux, a dit un pieux et savant Anglais44, un peu de foi et beaucoup d’humilité au point de départ sont souvent récompensés de la grâce et du don qui fait aimer, c’est-à-dire comprendre les belles choses. » Je n’irai pourtant pas jusqu’à dire, avec un autre critique de la même nation, « qu’il faut feindre le goût que l’on n’a pas jusqu’à ce que ce goût vienne, et que la fiction prolongée finit par devenir une réalité. » Ce serait donner de gaîté de cœur dans la superstition et l’idolâtrie. […] Très inférieur par cet endroit à Boileau et superficiel de goût sur un point, bien mieux que son antagoniste, d’ailleurs, il comprenait que les Modernes ont aussi leur poésie, leur source d’inspiration propre, qu’ils l’ont dans le christianisme plutôt que dans ces vieilles images rapiécées de Mars, de Bellone au front d’airain, du Temps qui s’enfuit une horloge à la main, etc. ; mais, victorieux en théorie, il reperdait à l’instant tout l’avantage dès qu’il prétendait mettre en avant comme preuve son poëme de Saint Paulin. […] Il y a plus : les Contes, bien moins populaires en apparence, de Mme d’Aulnoy et de Mme de Beaumont, figurent aussi dans les traditions, des autres peuples, surtout dans le Pentamerone, recueil de contes publié et réimprimé plusieurs fois en Italie au xviie siècle, mais dans un dialecte (le dialecte napolitain) que certainement ces dames n’auraient pas compris. […] On ne connaît bien, a-t-on dit, que ce qu’on aime : on ne comprend bien que ce qu’on a été.