/ 2774
2765. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome I

Il avait bien compris le goût des lecteurs français : il savait donner un tour plaisant aux plus graves préceptes : il savait qu’il ne suffisait pas d’instruire, mais qu’il fallait encore amuser et plaire ; c’est tout cela qui donne à son style un tour si vif, si vrai et si naturel. […] La plupart des gens de lettres, encore imbus du goût et des préjugés qui ont infecté la littérature vers la fin du dernier siècle, ne conçoivent pas ce succès, cette vogue du vieux Corneille ; ils sont aussi surpris qu’un petit-maître qui verrait une femme donner la préférence à un homme mûr et sensé ; ils ne peuvent comprendre l’empire qu’une noble simplicité, une véritable chaleur, une raison saine et vigoureuse, exercent naturellement sur la multitude, qui juge par sentiment. […] Cette bourgade est connue, c’est un objet matériel et sensible, et tout héros qui se sacrifie pour sa patrie physique inspire un vif intérêt ; mais l’homme qui renonce à sa famille, à sa fortune, à la vie même, pour une patrie spirituelle qu’on ne voit et qu’on ne connaît pas, est fort peu théâtral aux yeux de ceux qui n’ont pas assez de religion pour comprendre son sacrifice.

/ 2774