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1556. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre quatrième. L’idée du temps, sa genèse et son action »

Le mouvement réel serait impossible s’il se ramenait entièrement et uniquement à des positions dans l’espace, car alors le mobile, par exemple une flèche, serait en repos au point A, puis en repos au point B, comme le soutenaient les éléates, et on ne comprendrait pas ce qui produit la transition du point A au point B : il faut donc que, dès le point A, il y ait dans le mobile quelque chose d’autre que la simple position actuelle, quelque chose qui amène la position future. […] La représentation purement imaginative d’une proie, chez l’animal qui a faim, produit bien un commencement de mouvements relatifs à l’acte de manger ; elle peut même faire venir, comme on dit, « l’eau à la bouche » ; mais cette représentation faible est tellement contredite par l’ensemble des représentations fortes, y compris la sensation même de la faim, qu’aucun animal ne concevra longtemps sa proie absente comme présente. […] Bien n’est plus propre que la musique à nous faire comprendre la différence de ces diverses choses : qualité, intensité, nombre, succession et distinction, ainsi que leur indépendance de l’espace, car, en écoutant une symphonie, nous ne sommes plus vraiment dans l’étendue ; nous ne nous figurons ni lignes, ni cercles, ni « milieu sonore ». […] Nous ne comprenons pas comment, après avoir lui-même si bien démontré qu’on ne peut avoir l’intuition pure de Dieu, de la cause suprême, de la substance suprême, etc., et que « la sensibilité seule fournit des intuitions », il nous accorde une intuition pure du temps, qui ne serait autre que la vision de Saturne en personne. […] Ils n’en appellent pas moins l’espace et le temps « les forteresses imprenables de l’apriorisme », et ils prétendent que les partisans de la genèse expérimentale veulent « tout ramener à l’expérience satis aucunes lois pour la régir, et dès lors sans possibilité pour la constituer elle-même et pour la comprendre. » (Renouvier, Logique, I, 354.)

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