Voltaire compose sa Métaphysique et son Essai sur les mœurs pour Mme du Châtelet, et Rousseau son Émile pour Mme d’Épinay. […] Le mathématicien d’Alembert publie de petits traités sur l’élocution ; le naturaliste Buffon prononce un discours sur le style ; le légiste Montesquieu compose un essai sur le goût ; le psychologue Condillac écrit un volume sur l’art d’écrire En ceci consiste leur plus grande gloire ; la philosophie leur doit son entrée dans le monde. […] La plaisanterie comporte toutes les nuances, depuis la bouffonnerie jusqu’à l’indignation ; il n’y a point d’assaisonnement littéraire qui fournisse tant de variétés et de mixtures, ni qui se combine si bien avec le précédent Les deux ensemble ont été, dès le moyen âge, les principaux ingrédients dont la cuisine française a composé ses plus agréables friandises, fabliaux, contes, bons mots, gaudrioles et malices, héritage éternel d’une race grivoise et narquoise, que La Fontaine a conservé à travers la pompe et le sérieux du dix-septième siècle, et qui, au dix-huitième siècle, reparaît partout dans le festin philosophique. […] Créature d’air et de flamme, la plus excitable qui fut jamais, composée d’atomes plus éthérés et plus vibrants que ceux des autres hommes, il n’y en a point dont la structure mentale soit plus fine ni dont l’équilibre soit à la fois plus instable et plus juste. […] Mon père causait avec Mme de Puisieux sur la facilité de composer les ouvrages libres ; il prétendait qu’il ne s’agissait que de trouver une idée plaisante, cheville de tout le reste, où le libertinage de l’esprit remplacerait le goût.