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414. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « MÉLEAGRE. » pp. 407-444

Méléagre est le premier des Grecs qui se soit avisé de composer une Anthologie complète, c’est-à-dire une Guirlande ou Couronne (on l’appelait de ce nom), un bouquet de l’élite de toutes les fleurs qui couvraient alors le champ si vaste de la poésie. […] On en sait peu de chose, sinon ce que lui-même nous apprend dans l’épigramme suivante, qu’il avait composée pour son tombeau : « Ma nourrice est l’île de Tyr ; pour patrie attique j’ai eu la Syrienne Gadare ; fils d’Eucratès, moi, Méléagre, j’ai poussé avec les Muses, et ma première course s’est faite en compagnie des Grâces Ménippées. […] On dirait que le goût des anthologies animait, poursuivait Méléagre en toutes choses ; il combinait et tressait ses propres passions comme les muses de ses poëtes : il faut le voir, dans cette Tyr dissolue, le long de ces îles d’Éolie qu’il parcourt, composer et assortir en tous sens les bouquets, les grappes d’Amours comme des grappes d’abeilles, retourner et diversifier à plaisir ses groupes de Ganimèdes et de Cupidons : cela rappelle cette nichée d’Amours, grands et petits, qu’Anacréon portait toujours dans le cœur. […] Que si tu m’amènes la belle enfant, je te coifferai d’une peau de lion, ô moucheron sans pareil, et je te donnerai à porter dans ta main la massue d’Hercule129. » Nous avons épuisé le chapelet de femmes que Méléagre nous avait composé tout d’abord, et il ne nous reste plus qu’Héliodora : c’est celle aussi, le dirai-je ? […] » Bien que le plus grand nombre des traits qui composent ce tableau entre d’ordinaire, bon gré, mal gré, dans toute description du printemps, et que la poésie, en émigrant vers le nord, n’ait cessé de s’inspirer et de se ressouvenir de ces mêmes anciennes peintures du midi, comme si dans leurs objets elles restaient toujours présentes, on peut s’assurer qu’il n’en était pas ainsi pour Méléagre, et qu’il avait bien réellement sous les yeux le spectacle fortuné qu’il décrit.

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