II J’ai dit tout à l’heure : Amusons-nous un peu avec le plus charmant poète de ce triumvirat d’hommes de lettres romains composé de Cicéron, d’Horace et de Virgile ; c’est qu’en effet la société d’Horace est une des sociétés d’esprit les plus aimables que l’on puisse rencontrer dans tous les siècles de l’antiquité ou des temps modernes. […] Ces modiques domaines, augmentés sans doute de quelques milliers de sesterces accumulés par son père et soustraits à la déprédation des triumvirs, étaient loin de suffire à un jeune homme de vingt-quatre ans qui ne voulait pas alors flatter les vainqueurs ; il restait fidèle à la république autant qu’on pouvait l’être en vivant sous la loi des héritiers de César ; il composait des satires mordantes dans lesquelles les vices et les ridicules des vainqueurs ou de leurs amis étaient livrés à la malignité du peuple romain. […] C’est là, à quatre ou cinq heures de marche de Tibur et sur les flancs un peu défrichés d’une de ces collines, qu’on voyait blanchir, entre les oliviers, les vignes, les petits champs de blé et les prés en pente, le hameau d’Ustica, composé de sept ou huit maisons de paysans sabins. […] Virgile, fils d’un potier de Mantoue et né parmi les pasteurs et les laboureurs des collines du lac de Garde, composait des souvenirs de son enfance des tableaux vivants dans son âme, tableaux qui vivront autant que la nature ; sa supériorité didactique ne vient pas seulement du poète, elle vient du sujet.